Maitrise énergétique et « bon sens innovant »
Entre « Bon Sens Paysan » et « Non Sens Innovant » : le Bon Sens Innovant dans la maitrise énergétique comme en toutes choses vient nous rappeler la nécessité d’un minimum d’esprit critique.
BSP : Le bon sens paysan
Le bon sens paysan a ceci de bon qu’il nous ramène à la terre ! Nous ne pouvons pas vivre hors sol ! Nous sommes dans un monde fini ! Les patates ou le fourrage, il faut bien que ça vienne de quelque part. Et quand il n’y a pas eu assez de pluies ou que les cultures ont été grêlées , la récolte sera mauvaise. Quand les sols s’épuisent, l’avenir est menacé.
Appliqué à l’énergie, le BSP nous dit : ce flux d’énergie « finale » qui irrigue notre logement, notre usine ou notre bureau vient d’une énergie « primaire » qui a du a un moment être extraite, captée dans le milieu naturel, puis transformée, transportée jusqu’à nous. Il nous dit aussi qu’on ne gaspille pas ce qui nous coute. Nous devons prêter attention à la précieuse énergie « finale » ( celle que nous payons !). pour que l’énergie « utile » rende au mieux les services dont nous avons besoin.
Mais le BSP a aussi ses limites. Il peut aussi être porteur de fausses évidences qui peuvent nous jouer des tours. Pourquoi vouloir changer puisqu’on a toujours fait comme ça ! On a tendance à reproduire des méthodes, à perpétuer des habitudes qui ont eu du sens en leur temps. Mais le monde change, le dérèglement climatique se fait sentir, les pesticides nous empoisonnent, les rendements baissent.
L’énergie fossile, si concentrée et pratique d’utilisation, n’est pas inépuisable. Son utilisation massive a des impacts forts qui mettent en danger l’équilibre de notre planète. Alors gare au bon sens paysan qui nous dirait : ne changeons rien, le monde ne va pas s’arrêter de tourner…
NSE : le non sens innovant
A l’autre extrémité se développe l’idée que, face à nos problèmes nombreux (et l’énergie en est un de taille) la technologie trouvera toujours des solutions ! Comment ne pas croire cela ? Les évolutions sont fulgurantes, l’innovation technologique est foisonnante dans tous les domaines.
Ainsi, les technologies de l’information et de la communication ont transformé nos vies et continuent à les transformer à une vitesse et dans un nombre de domaines inimaginables. Alors, il est très tentant de croire que tous ces outils d’une incroyable puissance vont nous tirer d’affaire.
Les technologies numériques ont un rôle considérable à jouer pour servir l’objectif de performance énergétique : moteurs à vitesse variable, éclairages led, systèmes de chauffage performants sont maintenant régulés par des systèmes numériques et des outils de gestion technique des bâtiments. La collecte et le traitement des données de consommation nous permettent d’optimiser les flux d’énergie.
Mais la surenchère technologique peut aussi conduire à des solutions écologiquement déraisonnables, socialement inadaptées voire économiquement contreproductives.
On fait par exemple aujourd’hui le constat que nombre de systèmes sophistiqués n’apportent pas la performance attendue, par manque de compétences ou de disponibilités pour les exploiter :
- Les systèmes de contrôle permettent de nous alerter pour pouvoir réagir aux anomalies à condition que quelqu’un soit chargé du paramétrage, de la surveillance et de la gestion des interventions.
- Mon smartphone me permet de rallumer mon chauffage à distance lorsque je rentre de vacances… à condition d’avoir pensé à l’arrêter en partant !
La multiplication des objets numériques et l’accumulation de données ne sont pas aussi virtuelles et légères que pourrait le suggérer la terminologie : l’informatique en nuage ou la dématérialisation des services s’appuient sur des systèmes bien réels dont les impacts deviennent très importants.
La croyance en la technologie peut donc devenir dogmatique et nous induire dans des non-sens innovants.
BSE : le bon sens innovant
Entre certitudes bien ancrées freinant le changement et foi dogmatique dans le miracle technologique, l’avènement du bon sens innovant vient nous rappeler la nécessité d’un minimum d’esprit critique. La bonne démarche impose une observation objective de la réalité et une utilisation rationnelle et cadrée des outils technologiques dont nous disposons.
Mesurer et analyser pour comprendre permet de prendre des décisions éclairées. La bonne nouvelle est que les moyens de suivi (infrastructures, capteurs, logiciels d’analyse) deviennent de plus en plus abordables. Mais ne confondons pas « mesure » et « démesure ». Commençons par bien analyser les données disponibles avant d’en collecter d’autres en grandes quantités si nous ne sommes pas en capacité de les exploiter.
Les solutions aux problématiques complexes – et la maitrise énergétique en est un excellent exemple – ne peuvent généralement pas être uniquement technologiques. Notre regard sur l’innovation doit par conséquent être ré-équilibré. En écho à la vision « high-tech » que nous avons généralement de l’innovation, l’anglicisme « low-tech » fait référence à des techniques simples et économiques facilitant notamment l’appropriation et la capacité de tous à être force de proposition. La maitrise de l’énergie interroge le comportement des utilisateurs et les modes d’organisation de nos activités est un champ d’exploration dans lequel « high-tech » et « low-tech » peuvent faire jouer à plein leur complémentarité.
Un exemple
Les nouvelles technologies d’éclairage disponibles (sources et systèmes de pilotage) peuvent considérablement améliorer la performance énergétique à condition que la mise en place soit préparée.
Mobiliser la participation active des parties prenantes est en effet un gage d’ancrage de la performance dans la durée. Organiser la concertation avant de mettre en place des automatismes permet de limiter :
- le rejet ou les réactions négatives (je ne peux plus agir sur mon environnement)
- la sensation d’inconfort (ça change mes habitudes, ça me perturbe)
- la déresponsabilisation (à quoi bon m’en préoccuper, puisque c’est automatique)
Des systèmes plus complexes doivent en outre être correctement paramétrés, maintenus en bon état de fonctionnement et exploités, ce qui suppose que ces responsabilités aient bien été affectées.
En conclusion
Le bon sens innovant est guidé par cette recherche d’équilibre entre :
- L’approche technique /économique : choisir les outils/systèmes pertinents parmi les meilleures technologies disponibles à des coûts cohérents avec les enjeux économiques du projet.
- L’approche organisationnelle et comportementale : garantir la bonne appropriation et utilisation des outils, la bonne gouvernance des projets